Case #
2018.05
Le partenariat MAIF & Ouishare : une expérience inspirante d’innovation ouverte entre deux organisations
Retour d'expérience sur un partenariat atypique entre la MAIF et Ouishare, qui dure depuis 4 ans et qui a fait de Ouishare un laboratoire externalisé pour explorer et comprendre les codes d'un monde en mouvement.
C’est l’histoire d’une vieille dame de 80 ans qui s’entiche (et réciproquement) d’une bande de jeunes qui veut changer la société, la rendre plus juste, plus collaborative et plus équitable. Une aventure qui a résisté au temps et aux vicissitudes de l’existence depuis plus de quatre ans déjà. Et c’est logique d’ailleurs quand on sait que la MAIF, fondée en 1934 en disruptant l’assurance par une approche collaborative, n’est pas en reste pour ce qui est de l’esprit collaboratif et du partage de la valeur puisqu’elle pratique le mutualisme depuis sa naissance. Une sorte de filiation en somme.
En 2013/2014 la MAIF a l’intuition qu’il y a une carte à jouer dans le monde en mutation qui a suivi la crise financière de 2008. Grâce à son ADN mutualiste, elle sent que l’économie de plateformes, l’économie collaborative et les nouvelles manières de vivre le travail constituent autant de changements profonds de paradigme pour nos sociétés dont le mode d’organisation et de fonctionnement se fonde sur l'homo oeconomicus, l'individu rationnel, qui agit pour le compte de ses intérêts propres, et dont le contrôle et la hiérarchie constituent le cadre de travail. Par réseau, elle se rapproche de Ouishare, une communauté internationale qui réfléchit et expérimente depuis 2012 les enjeux du futur des organisations et ceux du futur des territoires, au carrefour de mouvements militants, d’innovations numériques, de start-ups et de grandes entreprises. Ouishare, qui publie des études et organise des événements fait vraiment figure de référence dans ce nouveau paysage. L’idée pour la MAIF est de côtoyer ces pionniers avec qui Ouishare la met en contact et de les écouter raconter ce qu’ils ont vu, entendu et vécu sur les monnaies locales complémentaires, le post-salariat, le Peer-to-Peer (P2P), la blockchain, l’open-source, les plateformes coopératives ou les organisations durables.
Le partenariat MAIF / Ouishare devient un véritable laboratoire externalisé pour explorer et comprendre les codes de ce nouveau monde et nourrir la réflexion stratégique.
Avec Ouishare, la MAIF renforce son accès à cet écosystème foisonnant et fascinant de start-ups, de geeks ou d’influenceurs de tous bords, valorisant au passage son image de pionnier et d’innovateur social : toutes les entreprises de cet âge n’ont en effet pas forcément cette capacité à appréhender l’avenir de façon aussi décidée, engagée et positive. De son côté Ouishare y voit non seulement l’occasion de financer en partie son activité mais aussi de renforcer sa légitimité en associant son nom à celui de la MAIF, une organisation incontournable de l'économie sociale et solidaire, une mutuelle dont les activités d'assurances sont tournées vers ses sociétaires qui sont le coeur de la démocratie d'entreprise, au contraire d'actionnaires intéressés par les dividendes. En outre, tout en gardant un fonctionnement à “hiérarchie dynamique” et très informel, Ouishare sera amené à structurer ses pratiques pour être à la hauteur des enjeux de ce partenariat.
Cette collaboration est inspirante d’abord grâce à la qualité des relations humaines qui se sont rapidement tissées. Bien évidemment la connivence facilite les échanges, la résolution de différends et la prise de décision. Ce qui est intéressant c’est que ce maillage interpersonnel a su évoluer avec la composition des équipes Ouishare puisque les fondateurs ont, à partir de 2017, commencé à s’investir sur des projets personnels à la périphérie de l’organisation. La seconde qualité qui a été vitale pour la pérennité des relations c’est l’humilité : aucun des deux partenaires n’a jamais eu la tentation de vouloir changer ou “améliorer” l’autre ni de lui expliquer la vie ou lui faire la leçon. Les “petits jeunes” n’ont à aucun moment pris la “vieille dame” de haut par exemple. Un profond respect mutuel en quelque sorte. Enfin, on peut dire que la confiance a été essentielle. En particulier, la MAIF qui a soutenu tous les Ouishare Fest entre 2014 et 2017 en tant que principal partenaire, ne s’est jamais immiscé dans la programmation des événements, ayant la conviction que quoi qu’il arrive, l’expérience lui permettrait d’apprendre et de faire des découvertes, parfois même simplement en allant à la rencontre de participants hétéroclites de la nouvelle économie venus du monde entier. Au fil des années, le partenariat de la MAIF a permis en outre de financer l’expérience du POC21 ou encore l’étude Gouvernances. Cette dernière publication aura d’ailleurs été l’occasion pour la MAIF d’afficher ses convictions à travers l’implication de plusieurs collaborateurs et de son Président. Également l’occasion de commencer à restituer tout ce qui avait été appris et assimilé depuis 2014 et notamment sa vision sociétale collaborative.
Lorsqu’il existe des relations mutuellement bénéfiques entre deux organismes, l’éthologie nous propose un terme qui ne manquera pas de faire sourire dans le contexte du partenariat Ouishare / MAIF : elle parle de mutualisme.
Le fait de collaborer sans chercher à dénaturer l’autre, aura permis aux deux protagonistes d’aller plus vite et plus loin que les autres.
C’est à travers cette expérience d’innovation ouverte entre deux organisations qui s’influencent mutuellement que le partenariat est exemplaire.
Depuis quelques mois déjà, avec le MAIF Start Up Club, la mutuelle propose des formes de consultations, de services pour d’autres grands groupes et PME afin de renforcer leur capacité d’hybridation avec les startups et les projets innovants. Elle est d’ores et déjà capable de partager à d’autres organisations dites traditionnelles ce qu’elle a compris, découvert ou intégré au cours de cette expérience initiatique : les nouvelles règles du jeu et les codes qui permettent aux organisations d’être plus sûrement non pas d’abord plus performantes ou plus riches, mais simplement plus résilientes. Forte de ses rencontres et de ses échanges, la MAIF est en mesure de raisonner en termes d’écosystème en se positionnant de plus en plus comme une plateforme qui permet de faire des ponts entre les différents acteurs du monde économique et social auquel elle est reliée. Pour que les pratiques collaboratives et les nouveaux outils numériques s’enracinent, il faut un changement culturel dans l’organisation et donc faire évoluer la posture managériale traditionnelle et ça aussi, la MAIF l’a expérimenté ne serait-ce que parce que voir une organisation comme Ouishare avec son côté bohème émerger, croître et prospérer ça questionne forcément sur les pratiques traditionnelles.
2019 sera l’occasion de réinventer le partenariat MAIF / Ouishare. Une première dimension pourra être d’imaginer cette “relation écosystémique spéciale” étendue à d’autres parties de l’organisation MAIF et non plus seulement limitée à une équipe particulière avec laquelle il y a eu une évidente proximité d’esprit. Une seconde dimension pourra être, alors que Ouishare passe progressivement à un mode d’expression davantage orienté vers l’action, d’aller plus loin sur la question de la transformation des organisations : comment mettre en place des organisations adaptées au monde très ouvert et ultra-connecté que nous avons construit ; comment mettre en place des pratiques d’intelligence collective ; comment littéralement “faire écosystème” avec toutes les parties prenantes de chaque organisation ?
Un retour d'expérience rapporté par Thomas OLIVIER (1) pour la MAIF & Jean-François BOISSON (2) pour Ouishare